Johann Joseph FUX (1660-1741), né à Graz de souche paysanne, est un Autrichien authentique.
Remarqué par Léopold Ier, il conservera sa charge de Kapellemeister de la cathédrale Saint-Etienne sous les règnes de Joseph Ier (1705-1711) et de Charles VI (1711-1740).
Il compose quinze opéras, quatorze oratorios, quatre-vingt messes, de nombreux motets et diverses musiques instrumentales.
Le sérieux et la sévérité de ses ouvrages le font surnommer “le Palestrina autrichien ”. Mais on ne peut le ranger parmi les nostalgiques du passé. Certes il prolonge la tradition polyphonique, laissant un traité de contrepoint (science de la superposition des lignes mélodiques de rythmes différents) publié en 1725 et une oeuvre fortement marquée par ce type d’écriture. Il ne faut toutefois pas négliger son travail sur la sonate, ni ses suites où il mêle le style français (à l’ écriture verticale) avec le style italien plus chantant ainsi qu’avec des éléments du folklore autrichien.
Très varié dans ses nuances, il impose des instruments à vent préfigurant le travail sur les timbres de Gluck et plus généralement de l’école de Mannheim.
Parallèlement à la présence de Fux, on assiste à une véritable invasion italienne dans tous les genres musicaux et surtout dans l’opéra.
En cette moitié du XVIIIème siècle, l’opéra souffre du belcantisme (airs à vocalises virtuoses dénués de tout sens dramatique, l’orchestre étant réduit à quelques accords). La dramaturgie se perd dans des mythologies bien éloignées des préoccupations du public.
Quant à l’opéra bouffe, il croule sous le mauvais goût des fioritures, des vocalises et des farces vulgaires.
La musique de danse, issue du folklore, est présente à la cour des Habsbourg sous forme de divertissement rustique (princes et princesses jouant aux bergers et déguisés en paysans) et prend une importance croissante. La particularité de ces danses, ancêtres de la valse, est leur rythme à trois temps typiquement allemand. La haute société viennoise se laisse séduire par ce pétillement frivole.
C’est à cette époque que Jean Sebastien Bach (1685-1750) compose la majeure partie de son oeuvre.
Bach est connu dans la région de Leipzig ainsi que dans les quelques villes allemandes où il travaille.
A sa mort, il tombera immédiatement dans l’oubli. Si son génie s’avèrera largement reconnu à partir de la moitié du XIXème siècle, il est bien loin, de son vivant, d’être évalué à sa juste valeur.
En 1707, les autorités d’Arnstadt reprochent au jeune organiste ses improvisations débridées, décrétant qu’elles détournent les fidèles du service divin.
A Weimar, de 1708 à 1717, Bach compose la plupart de ses oeuvres pour orgue. Il devient ensuite Kapellmeister à la cour de Coethen jusqu’en 1723. Il y compose uniquement de la musique profane, l’Eglise Calviniste excluant toute musique du temple.
Nommé Cantor à Leipzig, il y restera jusqu’à sa mort.
Bien qu’au sommet de son art et de son génie, il est tributaire du Conseil de la Ville, devant lui rendre des comptes en permanence, ce qui génère bien des conflits.
La ville lui préfère d’ailleurs Georg Philip Telemann.
Pourtant celui-ci va s’installer à Hambourg en tant que Musikdirector.
Aujourd’hui, son style est jugé moins original que celui de Bach. Très prolixe, il acquiert un succès immédiat grâce à des oeuvres plus “faciles”.
L’art de Bach n’est certes pas révolutionnaire, s’exprimant dans un style et un langage hérités de la plus grande tradition polyphonique des siècles précédents.
Il porte son écriture à un niveau de technicité et d’expression extrêmes.
Mozart et Beethoven seront les premiers à le reconnaître à sa juste valeur.
On peut cependant le considérer comme novateur, car il pousse le contrepoint à un niveau jamais atteint jusqu’alors.
Il représente aujourd’hui l’apogée de la musique baroque, le point culminant de cette esthétique polyphonique réhabilitée près d’un siècle plus tard par les Romantiques en quête d’un Grand Maître.
Les années 1740-1760 marquent l’entrée dans une période de mutation musicale au cours de laquelle la logique abstraite de l’ancien contrepoint (l’école de Josquin des Prés) fait place à la saveur des timbres et mélodies.
Les voix sont remplacées par de nouveaux instruments (clarinette, basson moderne, flûte à clé, …) et la rigueur de l’inspiration fait place à la suavité de la ligne mélodique. La musique purement instrumentale prend son essor (sonates, concerti, symphonies). C’est dans ce contexte que Vienne va devenir la capitale de la musique germanique moderne.
La révolution esthétique qui va secouer l’Europe en cette deuxième moitié du XVIIIème siècle va s’exercer dans le théâtre lyrique (France), l’opéra (Italie) et la musique instrumentale avec le style “galant” en Autriche.
Le style galant est une sorte d’écriture en mélodie accompagnée assez facile, sans surprise polyphonique ni complication de ligne, mais qui conserve toutes les fioritures et ornementations de l’ancienne écriture baroque.
Vienne va adorer ce style qui sera à sa musique ce que le baroque rococo sera à son architecture.
Mais dans l’immédiat, ce n’est pas à Vienne que se met en place la transformation. Tout se joue à Berlin, à Hambourg auprès du roi Fréderic II de Prusse, ainsi qu’à Mannheim.
Carl Phillip Emmanuel Bach (1714-1788), cinquième enfant de J.S. Bach, est un musicien renommé dans toute l’Europe, véritable étoile en Allemagne. L’histoire retiendra surtout qu’il fut l’initiateur de la sonate dite classique, nouvelle structure de composition qui sera portée à son apogée par Mozart et Beethoven.
Chez les compositeurs “baroques”, le terme sonate était une simple indication de genre. Il définissait toute musique instrumentale en plusieurs mouvements de tempi différents, dont le schéma était celui des suites de danses de la Renaissance (courante, gigue, menuet, sarabande, etc…), et dont la structure interne était généralement bi-partite à un seul thème.
Dans la sonate classique, l’aspect dansant tombe en désuétude pour laisser place à des indications de tempo et de caractère : allegro, adagio, etc..
On assiste à la dramatisation du discours musical par l’introduction de deux thèmes antagonistes (structure bi-thématique) en première partie. Suit l’habituel développement. Apparaît ensuite la réexposition ou troisième partie, véritable réécriture du début qui implique une évolution du discours tonal et un devenir des thèmes. Le compositeur se raconte. Alors que dans l’écriture de Jean-Sébastien Bach le baroque renvoie à un discours théologique, tendu vers un seul but, Dieu, la nouvelle écriture dite classique dévoile les pulsions intimes du compositeur, les antagonismes qui l’agitent.
Haydn, pour la symphonie et le quatuor, et Mozart, pour la sonate pour piano et le concerto, mèneront cette écriture à son apogée. Quant à Beethoven, il la transcendera à travers toute son oeuvre.
A Mannheim, sous la protection du Grand Electeur Charles Théodore, un certain nombre de compositeurs importants viennent diriger l’école d’interprétation. On y travaille plus la mise en place que la composition. Ce type d’école va inspirer notre mode le contemporain d’école de musique où l’on travaille l’exécution des œuvres, recherche la perfection de l’interprétation, mais où l’on n’apprend que très rarement à composer et à créer.
L’école de Mannheim impose une nouvelle conception du travail avec des groupes d’instrumentistes différents, ce qui sera d’un apport considérable pour la symphonie. En effet, on y forme d’abord d’excellents musiciens sachant jouer ensemble et suivre les ordres d’un chef. C’est ainsi qu’apparaît la conception moderne du chef d’orchestre, celui-ci ne dirigeant plus de son pupitre d’instrumentiste, en général le violon. On y travaille également l’équilibrage entre les différents groupes d’instruments (bois, cuivres, cordes), d’où l’invention du crescendo et du diminuendo sans lesquels toute la musique romantique semblerait inconcevable (utilisation des trémolos, parcours d’un motif de l’extrême grave à l’extrême aigu, arrêt brutal d’un forte sur un silence, etc…)
Si la musique du fondateur de cette école, Johann Stamitz (1746-1801), ne traversera pas les siècles, nombreux sont ceux qui sauront tirer parti de ses inventions: Mozart, Beethoven, Berlioz, Wagner, Lizst, et bien d’autres encore…
De la combinaison de la structure sonate ainsi que du travail sur l’orchestre, vont alors naître les chefs-d’oeuvre symphoniques, les concertos, et les opéras avec orchestres élargis.
Christophe Willibald GLUCK (1714-1787).
Sous l’influence de Calzabigi, aventurier amateur d’art désireux de réformer l’opéra français en le débarrassant des italianismes, un compositeur à la mode va se lancer dans la lutte. Il s’agit de Christoph Willibald von Gluck. Le but commun des deux hommes est de retrouver la pureté des grands ancêtres, notamment celle de Monteverdi. Comme lui, ils veulent soumettre la musique à la primauté de la poésie, la mettre en valeur sans l’écraser.
Né à Erasbach, d’origine modeste (son père est garde-forestier), Gluck fait ses études à Prague, Vienne et Milan.
Entre 1740 et 1750, ce compositeur à la mode s’épanouit dans le style italien. Ses voyages l’emmènent à Londres où il rencontre Haendel.
Il s’installe à Vienne en 1750 et compose pour l’empereur des opéras comiques à la française (pièces de théâtre entrecoupées d’airs musicaux). En 1762, il recontre le librettiste R. de Calzabigi qui l’incite à prendre une nouvelle orientation.
Gluck élabore un style simple, épuré et rigide, qui cherche à remettre le texte en évidence. Comme chez Monteverdi, la musique en tirera tout le bénéfice : alors que le texte n’offre que le tangible, la musique restitue l’essentiel, le langage de l’âme.
Gluck réduit le nombre d’actes et de personnages. Il raccourcit les airs, les mettant davantage en relation avec le déroulement dramatique.
Emboîtant le pas aux innovations de Mannheim, il donne une forte place à l’orchestre.
Ce compositeur est très prolixe (cinquante opéras, cinq ballets, des oeuvres profanes et sacrées, neuf symphonies, …). Pourtant l’histoire retiendra surtout trois de ses oeuvres: “Orfeo et Eurydice” (1762) , “Alceste” (1767) et “Iphigénie en Aulide” (1774).
“Orfeo et Eurydice” ainsi qu’ “Alceste” connaissent plusieurs remaniements et font un triomphe à Paris où Gluck a été appelé par sa protectrice Marie-Antoinette (à qui il eut l’occasion de donner des leçons de musique).
Evoluant dans son langage, il s’oppose aux usages de l’époque, et ses réformes ne seront comprises que bien plus tard, au XIXème siècle.
Il quitte Paris pour Vienne où il meurt en 1787.
Quinze jours plus tôt, dans la même ville, débutait le “Don Juan” d’un certain Mozart.